Entre conformité au RGAA et niveau d’accessibilité réel, les organismes concernés par la loi sur l’accessibilité numérique sont parfois un peu perdus.
Comment savoir si un site ou une application est relativement accessible ou si ce support est inutilisable pour des milliers de personnes ?
Est-ce qu’un bon taux de conformité garantit une bonne accessibilité ?
Le contexte : le RGAA
Quel que soit le sujet, pour évaluer quelque chose, il faut une norme, une référence, un outil sur lequel se baser. Le numérique ayant pris une (légère) place dans notre quotidien, des règles internationales ont rapidement vu le jour afin de cadrer les réalisations des développeurs les plus fougueux.
Comme expliqué dans le précédent article de blog, les premiers standards techniques concernant l’accessibilité datent de 1997.
La loi française imposant que les sites des services publics et de certains acteurs privés puissent être utilisés par tous les citoyens, un référentiel est né : le RGAA (nouvellement appelé Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité).
Un score de conformité : pour quoi faire ?
Actuellement en version 4.1, le RGAA contient 106 critères qui balaient tous les aspects d’un site Web, autant d’un point de vue technique, que graphique ou ergonomique. L’idée est de vérifier que l’information puisse être consultée par tous les internautes, sans exception.
On est d’accord qu’il est impossible de tester un site Web avec tous les handicaps possibles, ainsi qu’avec toutes les technologies d’assistance possibles (on y reviendra un peu plus tard…).
Par contre, comme ces technologies ont été créées en se basant sur des normes techniques, il « suffit » que le site respecte également ces normes pour être sur la bonne voie.
On sait tous qu’une voiture est plus ou moins polluante, donc vous vous doutez bien qu’un site est plus ou moins bien construit. Le but du RGAA est ainsi d’estimer son pourcentage de conformité aux normes en vigueur.
Cela permet de mettre un chiffre, de catégoriser, de communiquer et surtout, de s’améliorer.
13 thématiques, 106 critères
et plus de 300 tests
Et le calcul de ce score, il est compliqué ?
C’est ici qu’on entre dans le dur du sujet. Ce calcul n’est pas simple, et en plus, il n’est pas si judicieux que cela.
Afin que tous les audits soient équivalents, la DINUM (Direction interministérielle du numérique) a produit une grille de calcul qui permet d’auditer maximum 20 pages.
Pour chaque page auditée, on indique si chacun des critères est conforme, non-conforme ou non-applicable (tous les cas de figure ne sont en effet pas présents dans une même page).
Le fameux score de conformité est donc le nombre de critères conformes divisé par le nombre de critères applicables.
Par exemple, voici les résultats d’une analyse :
- 26 critères non conformes ;
- 40 critères conformes ;
- 40 critères non applicables.
L’audit d’accessibilité révèle donc que 60,61% des critères du RGAA version 4.1 sont respectés (40 critères sur 66 au total).
Le RGAA, le référentiel pas si sympa
Les plus malins d’entre vous ont peut-être déjà compris où se trouve le loup. Le total des critères de l’exemple précédent décrit 106 critères pour tout le site.
Mais chaque page étant différente, elle possède ainsi son propre score de conformité.
On va donc avoir un taux de conformité par page et un taux de conformité global.
Et bien entendu, le taux légal est le taux global.
Pour résumer, si un critère est non-conforme sur une des pages auditées, il sera non-conforme pour tout le site.
Imaginez un site présentant 2000 vidéos. Elles sont toutes sous-titrées, sauf une. Le critère imposant la présence de sous-titres est donc non-conforme pour tout le site.
Un peu dur non ?
D’instinct, on pourrait penser qu’avoir 60% de conformité, c’est plutôt moyen. Pour autant, le site en question était très correct, aucun point bloquant, un niveau technique très bon, des composants très bien restitués par les synthèses vocales.
La somme de petits détails a ainsi très vite fait baisser le résultat final.
Mais, la bonne nouvelle, c’est qu’il pourra aussi remonter très vite une fois que les corrections seront mises en place !
Alors, à quoi il sert ce RGAA ?
Ce référentiel a un énorme avantage, c’est qu’il permet de tester concrètement un site Web et de comprendre comment le corriger. C’est donc un indicateur, à un instant précis, de l’état d’un site Internet.
Mais comme tout indicateur, il faut pouvoir l’analyser.
Tous les critères ont la même valeur, qu’ils soient bloquants ou juste « de confort ». Certaines conformités sont également très simples à obtenir.
L’effet pervers est donc de courir après un score, sans s’occuper du réel impact sur les utilisateurs concernés.
Un site conforme à 90% au RGAA peut ainsi être moins accessible qu’un site conforme à 60%. S’il est impossible de naviguer au clavier, de consulter les vidéos ou de lire le texte à cause de couleurs pas assez contrastées, les contenus seront incompréhensibles et inutilisables pour des milliers de personnes.
Cette notion de pourcentage n’est d’ailleurs valable que depuis la dernière version du RGAA. Les WCAG (directives internationales) parlent de niveaux A, AA et AAA. Chaque niveau ajoute un groupe d’utilisateurs spécifiques supplémentaire. Il n’y a pas de pourcentage par niveau.
Un site ne peut pas être « 60% accessible »,
il l’est ou ne l’est pas.
Le côté obscur du score de conformité
Ce pourcentage a sans doute été mis en place afin de classifier les sites en catégories, afin de fixer des objectifs. Mais cela entraîne malheureusement des dérives, comme des exemptions injustifiées de fonctionnalités entières (lire cet article du Certam), gonflant artificiellement le score de conformité.
La déclaration légale d’accessibilité permet de lister précisément les non-conformités constatées. Ce document pourrait donc permettre de se rendre compte si les non-conformités restantes sont bloquantes ou non.
Mais ces informations ne sont pas toujours présentes.
De plus, même une conformité totale ne garantit pas une réelle accessibilité.
L’audit n’étant effectué que sur certaines pages du site, comment être certain que les autres pages non-auditées sont conformes ?
L’audit peut donner un bon score à une date donnée, mais comment garantir son niveau réel six mois plus tard ?
Il est impossible de tester tous les handicaps et toutes les technologies d’assistance. Est-ce que l’utilisateur dispose du bon outil qui lui correspond ? Par exemple, une personne ayant besoin de zoomer les caractères des textes sait-elle comment le faire ?
Positiver et agir
L’accessibilité universelle n’existe pas et n’existera probablement jamais.
Pour autant, l’important n’est pas la destination, mais le voyage. Nous avons pris tellement de retard sur ce sujet que le score ne doit pas être l’objectif.
L’objectif doit être de tout mettre en œuvre pour que le support concerné soit consultable par tous.
Un expert accessibilité sérieux saura vous conseiller sur les points bloquants à traiter en priorité. Parfois, les corrections ne prennent que quelques minutes et changeront la donne pour des milliers de personnes.
Il faut donc progresser par étapes, modifier ses processus de développement, de rédaction, de gestion de projet. La qualité générale des produits viendra ensuite d’elle même.
De plus, toutes les bonnes pratiques apprises pourront s’appliquer dans d’autres cas, sur d’autres sites, d’autres affiches Print, d’autres applications mobiles, etc…
Contrairement à ce qui est souvent écrit ou dit, ce n’est pas plus long ou plus compliqué de créer accessible, c’est peut-être simplement sortir de sa zone de confort.
Être accessible, c’est s’ouvrir un peu plus aux autres.
Et nous en avons tous besoin.